Les CHOLOT, beaucoup de malheur…
François-Xavier et Césarine, à la fin du XIXe siècle, sont les heureux parents de Marcel — mon futur grand-père maternel — et de Charles, qui ont juste un an de différence. François-Xavier est meunier et Césarine femme au foyer, dans un village de l'Aube. Vers 1900, la famille s'installe à Troyes. Césarine y meurt, à 35 ans en 1909, en pleine adolescence des enfants. François-Xavier reste seul pour élever les garçons, aidé de Berthe, sa belle sœur… Marcel va faire son apprentissage de boucher. Fin octobre 1914, il est mobilisé… et passe de régiment en régiment (quand un régiment est décimé, les quelques survivants sont dispersés dans d'autres unités).
En octobre 1915, c'est Charles qui rejoint l'armée — affecté au 360e Régiment d'Infanterie (RI). Il meurt « tué à l'ennemi » en avril 1916, à Fleury dans la Meuse. Détail sordide, Marcel est affecté en mai 1916 au 360e RI où son frère vient d'être tué !
Décision personnelle ? Coïncidence ? Ironie de l'Histoire ? Je l'ignore…
Marseille, monument aux morts de l'Armée d'Orient
En avril 1919, Marcel qui a été affecté à l'Armée d'Orient pour la Guerre des Dardanelles, est basé à Constantinople.
Il se marie religieusement devant le Pope local avec Klitemnestra, une jeune fille (issue de l'importante colonie grecque) de sept ans sa cadette. En 1920, naît un garçon prénommé Charles — en hommage à son frère.
En 1921, le couple débarque à Marseille avec son bébé et s'installe dans un hôtel meublé. En septembre de cette année, naît un garçon : Michel. Cet enfant va mourir en juillet 1922, âgé de 10 mois. En janvier 1923, un petit André voit le jour. Il s'éteint en août de la même année.
En mars 1925, c'est Catherine — ma future mère — qui vient au monde. Peu après, le couple s'installe à Paris avec ses deux enfants où, en septembre 1927, naît Roger (qui deviendra mon parrain). A partir de 1928 la famille s'installe définitivement à Issy-les-Moulineaux, mais déménagera encore souvent. En ont-ils fini avec le malheur ? Oh que non… hélas !
Charles, leur fils aîné, a 20 ans quand les Allemands entrent dans Paris. Il est apprenti tôlier. Les revenus de la famille sont modestes, Clytemnestre — devenue Clémence — est femme au foyer, Catherine a 15 ans et Roger 13. La vie doit être dure.
affiche de propagande allemande
La propagande allemande est habile : travailler en Allemagne offre un bon salaire, et la famille en perçoit la moitié… « les boches » ont des sous, on va en profiter ! En novembre 40 Charles signe à Paris, avec l'autorisation de son père, un contrat de travailleur volontaire chez Daimler à Breme, pour 1 Deutsch Mark de l'époque par jour. Contrat renouvelé à Paris en mars 41 et décembre 42 ; entre chaque contrat, il rentre en permission. Mais fin 43, au moment de repartir, il se cache pendant 3 mois. Il est retrouvé par la gendarmerie française qui le remet aux autorités allemandes. Retour en Allemagne… En juin 44, ses parents reçoivent une dernière lettre de lui.
On le retrouve en août 44, arrêté pour « propagande ennemie », à Stettin d'où il est envoyé en décembre au camp de Sachshausen, avant d'être transféré début février 45 dans un komando du camp de Buchenwald, où il meurt de malnutrition et d'épuisement en avril,
juste quelques jours après l'entrée des américains dans le camp.
Texte mis au point après consultation des archives départementales de l'Aube, des archives départementales des Hauts de Seine, des archives de la ville de Marseille
et des archives de Paris, ainsi que celles des villes de Troyes et d'Issy les Moulineaux,
Le Centre des Archives diplomatiques de Nantes,
Et aussi le Service historique de la défense,
Bureau des archives des victimes des conflits contemporains à Caen.